un avenir à deux

Tu enfiles tes patins avec un entrain que tu n'as plus. Ton cœur saigne de ne plus prendre plaisir à cette passion qui était autrefois la tienne. Ca fait un certain temps que tu n'es plus dans le truc. Déjà, ça t'a fais un sacré choc quand tu as perdu ta mère. Cette passion, c'était avec elle que tu la partageais.. C'était d'elle que tu t'irais ton inspiration, parce que des années durant, c'est elle qui a foulée la glace à ta place. Elle était ta meilleure supportrice. Alors quand tu as du lui dire adieu, y'a de ça un an, que tu as dû laisser la maladie l'emporter, ça a été ton premier pas vers le déclin. Bien sûr, ton père est toujours là, il est derrière toi. Mais ce n'est pas la même chose. Il ne semble pas s'intéresser à ton avenir dans cette compétition. Cette compétition rude, qui te mine jour après jour. C'est une lutte. Tes concurrents n'ont aucune pitié pour toi. Que tu sois en deuil ne change rien, tu dois juste laisser tes problèmes au vestiaire et donner le meilleur de toi même.

Y'a quelques jours, t'as renvoyé ton entraîneur. Choisi par ton père, il ne valait pas grand chose. Il était certes très compétent, mais il ne comprenait pas tes désirs, tes envies, tes besoins. Tu n'as pas besoin de quelqu'un comme ça dans ta vie, de quelqu'un qui ne cherche que la victoire, au détriment même de ton bonheur. Depuis, tu erres sur la glace, seul.

Tu pousses un soupire, et te redresse sur tes jambes. D'un pas lent, tu te diriges jusque sur la glace. Peut-être que cela ne vaut juste plus la peine. Peut-être qu'il est temps de passer à autre chose ? Toutes les belles choses ont une fin, non ?  Plus les jours passes, et plus tu te résous à dire adieu à ce passe temps qui n'a plus l'air d'être pour toi. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui tu as décidé de laisser tous ces tracas derrières toi, tu es juste là pour pantiner. Pour laisser ton esprit s'évader, sans penser à rien d'autres. Tu t'approches de la patinoire, tu n'es pas seul, y'a même beaucoup de monde qui est là, qui patine déjà. En même temps, vu l'heure qu'il est, ça ne t'étonne pas. En plein milieu de l'après midi, c'était quasi sûr que tu n'allais pas être seul ici. Dommage, tu aurais aimé avoir la piste juste pour toi, pouvoir laisser libre cours à tes envies.

Tu te lances enfin sur la piste, patins qui glissent au rythme de tes mouvements. Tu ne réfléchis plus, ne penses plus à toutes ces choses qui parasitent ton subconscient. Tu te laisses juste porter par tes émotions. Tu fends la glace, tu foules cette piste que tu connais par cœur. Tu zigzags entre les passants, tu te perds dans la foule, dans le brouhaha qui surplante tout le reste. Et tu oublies. Tu oublies jusqu'à ton prénom. Tu veux juste être là, profiter, vivre. Arrêter de survivre, arrêter de ressentir cette douleur sous jacente depuis que ta mère est partie, comme si elle avait emporté une partie de toi au passage.

T'es parti tellement loin, que tu ne prends plus garde aux personnes qui t'entourent, et soudain tu percutes quelqu'un, violemment. Vous étiez tous les deux lancer à pleines vitesses et l'atterrissage est rude. Tu te retrouves sur les fesses, ta tête cogne la glace lorsque tu pars en arrière. T'es un peu sonné, mais dans l'ensemble ça va, tu as connu pire. Frottant ta tête, tu te redresses lentement, pour être sûr de ne pas rejoindre une nouvelle fois le sol. Tu regardes autour de toi, et t'aperçois une jeune femme allongée sur le sol pas loin. Merde. Tu glisses jusqu'à elle, et t'accroupis à ses côtés. « Tu vas bien ? » T'es vraiment un pauvre idiot, tu aurais au moins pu faire attention où tu allais. La chute aurait pu être terrible. « Je ne regardais pas où j'allais, pardon. Rien de casser ?  » Tu pris pour que non, parce que dans cette discipline une blessure peut être un allé simple pour l'enfer. Parfois, cela n'offre même pas de second chance. Tu passes un bras sous son épaule pour l'aider à se relever. Et déjà, tu l'entraînes à ta suite vers la sortie de la patinoire.  « On va s'asseoir deux minutes, ok ? » Juste pour s'assurer que tu n'as pas fait trop de dégâts, que tu ne l'as pas blesser plus que ce qu'il ne paraît. « Je suis vraiment désolé. J'aurais dû faire plus attention. La glace n'est plus fait pour moi. » C'est une évidence maintenant, tu t'en rends compte. Tu n'es même plus capable de patiner sans blesser quelqu'un. Tu es un danger pour toi, mais aussi pour les autres. Il est temps d'arrêter la casse.

un avenir à deux

Le patin à glace, c’est toute ta vie. Et bien plus encore. Si tu ne pouvais plus patiner, nul doute que tu en mourrais. Pourtant, les fins de mois sont difficiles depuis un petit moment maintenant. Entre le coup des costumes, l’entraîneur que tu payes, et toutes les dépenses du quotidien, tu as beaucoup de mal à remplir ton frigo tous les mois. Et pourtant, tu n’échangerais ta place pour rien au monde. Te levant aux aurores pour aller courir, tu as besoin de te changer les idées. Tu ne sais pas comment tu vas pouvoir aller aux inter-régionaux, alors que ton partenaire t’a planté. Il a rencontré une fille et il t’a abandonné. Aussi bien dans la vie de tous les jours que sur la glace. Accélérant la cadence au rythme de la musique qui passe dans tes écouteurs, tu fais abstraction à la douleur qui irradie dans ton dos. Une mauvaise chute, Dean ne t’a pas rattrapé et tu t’es éclatée le dos contre la glace. Bien sûr, tu as vu un médecin, même si ça t’a coûté un bras. Ce dernier a dit que ce n’était rien, quelques contusions, mais depuis, tu as mal au dos. Bien sûr, tu n’as rien dit à ton entraîneur, sans quoi, il refuserait de te voir sur la glace. Changeant de direction, tu reprends la direction de ton appartement. Il faut que tu te changes, il est l’heure d’aller patiner.

Posant tes affaires dans le vestiaire, tu enfiles un jogging avec un pull. Pour les entraînements, pas besoin de beaux justaucorps. Une paire de gants, et tu attrapes tes patins. Marchant jusqu’à la glace, tu t’assois sur le banc pour enfiler tes chaussures, tout en grimaçant. Ton entraineur arrive, aussi, tu te forces à afficher un sourire aux lèvres. Echange de banalités, avant qu’il ne te pousse vers la glace. Faisant un petit tour pour t’échauffer, bougeant les bras par la même occasion pour éviter un faux mouvement, tu retournes voir l’homme. Il t’annonce les enchaînements que tu dois travailler, avant de t’annoncer qu’il reviendra d’ici une ou deux heures. Te relançant sur la glace, tu enchaînes les mouvements rapidement. Prenant un peu de vitesse, tu t’apprêtes à t’élancer. Mais un corps percute le tiens. Tu tentes d’amortir la chute, mais ton dos percute malgré tout la glace. La chute te coupe le souffle, alors que tu grimaces. Restant allongée le temps de passer au-dessus de la douleur, tu es surprise de voir un visage devant le tiens. « Ouais je crois … et toi ? » En vrai tu n’es pas sûre. Ton dos te fait mal. Pour le reste de ton corps, ça semble aller. Secouant négativement la tête, non tu n’as rien de casser. Fort heureusement d’ailleurs ! L’inconnu t’aide à te redresser. Grimaçant en te relevant, ta tête tourne une fois debout. Tu le suis sans rechigner jusqu’aux bancs en dehors de la patinoire, alors que tu vas avoir du mal à justifier tout ça à ton entraîneur. T’asseyant lourdement, tu le détailles enfin. Et quand il prend la parole, tu ne peux que le contrer. « C’est rien ça arrive ! Mais par contre, tu es fait pour la glace. Je t’ai vu patiner tout à l’heure, t’es doué. » Et tu le penses sincèrement. Levant le bras, tu as du mal à l’étirer. Bougeant ta nuque, ça va à peu près mais ce n’est pas encore suffisant. Levant les yeux vers lui, tu lui indiques ta gourde qui se trouve un peu plus loin. « Je peux abuser et te demander à boire ? » Tu ne te sens pas de marcher encore. Remettant les couvre lames sur tes patins, tu patientes. Mais tu vas sûrement devoir retourner chez le médecin, ce qui ne va pas arranger ton porte-monnaie. « Moi c’est Linnéa au fait. » Tu lui souris. Tu ne lui en veux pas du tout qu’il soit fautif ou non. Ça arrive à tout le monde. Essayant de te redresser, tu as du mal et restes assise. « Je vais être bonne pour aller chez le médecin encore, il me semble … » Et ça ne t'enchante pas.