Ta respiration est hachurée, tu as du mal à reprendre ton souffle. Tu trembles de tous tes membres. Ton cœur bat à une cadence élevée contre tes oreilles. Tu as beau essayé tous les exercices que ta mère t'a appris, rien n'y fait. Tu es en train de faire une terrible crise d'angoisse. Le réveil est abrupte. Ton cauchemar paralysant. Tu ne comprends pas. Cela arrive de manière bien plus régulière ces derniers temps. Chaque matin presque, tu te réveilles en sursaut, tiré d'un cauchemar atroce où seul le sang et la mort t'entoure. Le corps étendu sous tes yeux est toujours le même, celui de ton frère. Pourtant cela va presque faire deux ans que ce tragique accident est venu bouleverser ta vie. Au début, c'était difficile. Tu faisais toujours ce cauchemar. Mais avec le temps - et une aide précieuse, tu avais fini par mettre ça derrière toi, cela ne te hantait plus comme au premier jour. Mais voilà quelques semaines que les réveils se font de nouveaux douloureux. Et aujourd'hui, tu n'arrives pas à endiguer la crise qui sommeil. « Respirez mademoiselle. Je vais vous porter de l'eau. Voulez-vous que je prévienne quelqu'un ? » Tu entends les paroles de loin, comme si tu étais immergé sous l'eau, comme si elle t'avalait. Mais tu as assez de présence d'esprit pour réagir, et répondre entre deux inspirations saccadées. « Faites... Le... Garde Backer.. vous plaît » Tes paroles n'ont aucun sens, les mots sont difficiles à pousser hors de ta bouche, mais tu espères qu'ils auront été un minimum compréhensible. Tu as besoin de lui. Et sans plus tarder. Tu ne penses pas que qui que ce soit parviendra à t'aider, et surtout pas tes parents qui sont derrière ton dos et te mettent de plus en plus la pression pour trouver un époux digne de ce nom. Tu as beau tenté de leur faire comprendre que tu ne veux aucun époux, ils n'en démordent pas. Et impossible pour toi de leur révélé que ton cœur est ailleurs. Ce serait la fin pour lui.

Tu entends la porte qui s'ouvre derrière toi, le pas rythmé de pieds qui frappent le sol au pas de courses. Tu sais, à l'odeur qui parvient jusqu'à toi et qui te calme déjà, que c'est lui, qu'il est là. Alors ça ira mieux. Ca ira forcément mieux. Parce qu'à ses côtés il te semble possible de tout affronter, même le pire, même la perte de ton frère, cet être si cher. Cette personne a qui tu aurais aimé raconter tes peines de coeur, lui confier la vérité. Il aurait été le seul à comprendre. Le seul à t'encourager dans cette voix risqué. Parce que ton frère n'avait peur de rien ni de personne. Il se serait même levé contre votre père pour ton bonheur. Mais c'était des choses qui n'arriverait jamais. Tu n'aurais plus jamais cette chance. « Seb... astian. Je... Je n'arrive plus à respirer. » Tu ne rougis même pas de sa présence. Alors même que tu n'es pas dans une tenue descente, alors qu'il te trouve au saut du lit. Rien que sa présence te soulage d'un point sur ta poitrine. Ton cœur s'emballe, mais cette fois-ci pour une autre raison.

Soixante-douze heures. Tu n’as pas dormi depuis tout ce temps et la fatigue commence sérieusement à se faire sentir. Les cernes marquent ton visage, le teint pâle se peint sur ta peau. Mais c’est ton métier, tu n’as rien le droit de dire. Surtout que vous êtes en sous-effectif, et pour cause, une épidémie a frappé les gardes et les écuyers. Le froid ambiant n’est sûrement pas là pour aider. D’ailleurs, ton corps tremble dans ton armure, alors que l’air frais vient frapper avec force ton visage. Mais tu dois maintenir encore quelques heures de garde, aussi, tu ne bouges pas d’un pouce. A côté de toi, ton collègue commence lui aussi à s’endormir, appuyé contre le mur, la main sur son épée. Tu détournes le regard ne voulant pas le mettre mal à l’aise. Le secteur est calme mais tu n’oublies pas les ordres : des missives de menace ont été envoyées comme bien souvent, aussi, il faut rester attentif. A côté de toi, ton coéquipier se redresse. « On se pèle les miches sérieux ! Qu’est-ce que je rêve de pouvoir me perdre entre les cuisses d’une femme pour me réchauffer. » Tu ris doucement, tout en levant les yeux au ciel. Le bordel n’est pas très loin du château et bon nombres de gardes s’y rendent lorsqu’ils ne travaillent pas. Un coup dans tes côtes avec un éclat de rire, te font tourner la tête vers l’homme. « Tu devrais venir avec nous Backer ! Je te trouverais la meilleure, tu en redemanderas ! » A chaque fois, les gars tentent de te faire venir avec eux. Mais tu trouves toujours une excuse pour ne pas y aller. Ou lorsque tu y es, tu ne fais rien d’autre que boire, ne profitant pas des plaisirs de la chair. « T’inquiète Scroop, j’me démerde tout seul. » En réalité, tu ne peux pas te perdre dans les bras d’une autre femme. Non, tu as beau ne pas avoir le droit, tu ne penses qu’à la princesse. Il n’y a qu’elle dans ton cœur. Et même si tu n’as jamais pu la toucher intimement, sa virginité réservée sûrement pour son futur mari, tu lui es pourtant fidèle. Jamais tu ne pourras aimer une autre femme qu’elle.

Entendant des bruits de pas, tu te retournes vivement. Voyant une domestique les joues rouges, le souffle court, tu crains le pire. Il faut plusieurs minutes à la femme pour reprendre une respiration normale, avant qu’elle ne puisse parler. « Garde Backer. Vous êtes demandé. » Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas cette demande. Haussant les épaules, tu annonces que tu reviens à Scroop, avant de suivre la domestique. Une fois certaine que personne ne vous écoute, elle t’annonce que c’est une demande de la princesse, qui a beaucoup de mal à respirer. Immédiatement, tu te mets à courir, ne perdant pas une seconde, connaissant le chemin par cœur. Arrivant jusqu’à sa chambre, on t’ouvre et tu entres immédiatement. Tu t’apprêtes à parler, mais elle le fait avant toi. Enlevant ton épée, pour ne pas la blesser, tu la déposes au bord du lit avant de t’asseoir sur ce dernier à ton tour. Attrapant la jeune-femme, tu viens à la serrer contre toi, grimaçant doucement. « Désolé, il fait froid dehors. Mais respire doucement … Je suis là. » Malgré tes doigts froids, tu caresses délicatement ses cheveux pour l’apaiser. Attentif à sa respiration, tu fais exprès de respirer calmement pour qu’elle puisse se caler sur ton propre souffle. Lorsque tu sens qu’elle s’apaise, tu embrasses délicatement ses cheveux. « Toujours le même cauchemar ? » Comme à chaque fois que tu es avec elle, tu fais attention à tes paroles, chuchotant presque. Tu risques gros si on venait à découvrir votre relation et tu ne veux pas prendre de risque. Ta propre vie, tu t’en fous. Mais pas l’honneur de Scylla.