Le regard perdu dans le vague, il observe les jardins entretenus à la perfection. Ca lui arrache un sourire ironique. Perfection. C'est le maître mot de ce lieu. Et de toutes les choses qui l'entourent... Rien qui dépasse, rien qui n'est pas à sa place, rien qui n'attire l'attention sur eux. Et c'était la même histoire dans sa vie personnelle. Son âge avancé lui conférait le devoir de trouver une épouse. Chose qu'il n'était pas pressé de mettre en pratique. Hélas, ces parents eux, avaient l'air bien déterminés. Et ils avaient trouvé la candidate parfaite. Wells étaient prêt à parier qu'elle se trouverait dans la salle ce soir, pour son plus grand plaisir.

Soupire. La fête prévoyait d'être longue. Mains en appuient sur le balcon, il observe tous les prestigieux invités qui ont été conviés arriver les uns après les autres. Il s'est exilé à l'étage pour éviter d'être dérangé. Il n'est pas encore prêt à se mettre dans son rôle, à sourire à outrance et à autrui. Hélas, son répit est de courte durée. « Mon garçon, nous t'attendons tous. J'ai une lady à te présenter » Il ne se retourne même pas. sa mère n'abandonnera jamais. « Bien mère, j'arrive » Lorsqu'il se retourne, sa mère s'est déjà volatiliser, ayant obtenue ce qu'elle était venu chercher. Sa dévotion. Avec dépit, il descend le long de la rampe jusqu'à la salle de bal qui est comme toujours somptueuse pour ce genre de rassemblement. Il n'a pas le temps de mettre un pied dans la salle que déjà on lui met le grapin dessus. Il est convoité, regardé, désiré. Il est l'homme de la saison. Celle que tous espèrent se mettre dans la poche. Là où lui ne désire que regagner sa solitude. Sa mère lui présente déjà une première demoiselle, et les prochaines heures défilent sous les mêmes auspices.

Jusqu'à ce qu'enfin il réussisse à s'échapper pour gagner le coin des rafraichissements. Il est nécessaire qu'il fasse une pause, sans quoi il prendra la poudre d'escampette sur le champ. Si seulement il parvenait à faire entendre à sa très chère mère qu'il ne souhaite pas se marier cette saison - ni les saisons prochaines. Mais c'est un espoir vain. Inattentif, il percute un corps. Une minute lui est nécessaire pour faire le point sur la situation. « Ne vous inquiétez donc pas, je ne semblais pas plus attentif que vous. » Il pose une main hésitante au niveau de son coude pour la maintenir droite lorsqu'il s'aperçoit qu'elle vacille quelque peu. « Vous sentez vous bien, mademoiselle ? » Lorsque la réponse ne semble pas venir, il la guide du coude jusqu'à l'immense ouverture qui donne une vue d'ensemble magnifique sur les jardins. Même s'ils restent dans l'air étouffant de la salle, peut-être que se rapprocher de l'air extérieur lui fera du bien. « Inspirez un grand coup. Tout va bien se passer. » Alors qu'elle s'exécute, il se permet de la contempler une minute. Surtout ne pas paraître grossier. Et elle est magnifique. Que dit-il, splendide. Un diamant brute. Un joyau. En un regard, il tombe sous le charme. En un regard, il est perdu. « Vous semblez savoir qui je suis, mais je n'ai pas cet honneur. Pardonnez mon ignorance. » Un sourire charmeur et gêné sur le visage, il n'arrive pas à comprendre pourquoi sa mère ne lui a pas présenté celle-ci, elle aurait visé bien plus juste qu'avec toutes les précédentes. De quoi remettre en question certaines de ses certitudes.

Depuis la terrasse où il s'est éloigné avec la jeune femme, alors qu'elle s'efforce à reprendre une inspiration plus calme, il ne loupe pas les regards qu'on lui jette. Il aimerait pouvoir s'en détacher, ne pas en tenir compte, mais sa position ne lui permet pas. Il ne compte plus le nombre de fois où il s'est réveillé avec l'espoir d'être un homme comme les autres, de ne plus être si important. Pour une fois, il aimerait juste qu'on l'oublie, que sa mère la duchesse cesse de lui mettre une telle pression sur les épaules. Il n'est pas prêt à s'engager, encore moins avec la première lady. Il espère un jour pouvoir rencontrer la bonne, celle avec qui il pourrait fonder une véritable famille, pas juste une femme qui l'épouse juste pour son titre. Mais sa tendre mère ne se préoccupe pas de cela, puisqu'elle même ne s'intéresse qu'au titre de la femme qui sera parfaite pour lui. Mais il n'a pas besoin de rencontrer ses femmes, il sait d'avance qu'il n'approuvera jamais l'une d'elle, qu'il n'en aimera aucune.

La vérité, c'est que s'il devait s'intéressait à une femme, ce serait d'avantage une comme celle qui l'accompagne. Une femme imparfaite, mais qui ne lui saute pas à la gorge pour avoir une danse avec lui. Une femme d'une véritable beauté, pas juste parce qu'elle possède des bijoux luxueux. Prudence est mile fois plus son style que toutes celles que sa mère a pu lui présenter jusque là. Mais lorsque le frère de celle-ci se présente, il comprend bien vite que sa mère ne lui présentera jamais une femme comme elle. Elle ne sera jamais assez bien pour elle. Pourtant elle possède tous les atouts d'une belle fille parfaite. Si ce n'est la richesse qui lui fait défaut. Et s'il se fiche bien de ce genre de détail, sa mère ne passera jamais outre cela. « Votre nom me semble pourtant familier, où ai-je pu l'entendre ? » Il s'interroge lui-même, mais c'est une question qui s'adresse aussi à la jeune femme, dans l'espoir qu'elle lui apporte éclaircissement. « Si je peux être tout à fait honnêtement avec vous, Miss Anderson, je donnerais cher pour prendre la poudre d'escampette. » Il ne devrait pas tenir de tel propos, même si cela n'est un secret pour personne qu'il ne souhaite pas se marier pour le moment. Si cela revenait aux oreilles de sa mère, il passerait une très mauvaise fin de soirée. Pourtant, face à la jeune femme, sa langue se délit. Il a comme l'impression qu'il peut se laisser aller à des vérités choquantes, qu'elle ne les ébruitera pas. « Et à constater la crise que nous venons d'éviter, j'ai comme l'impression que je ne suis pas le seul qui aurait envie de fuir. Je me trompe ? » Son intuition le trompe rarement, et là, il est persuadé qu'il ne fait pas fausse route. « Aucun de ces gentilhomme ne vous a-t-il donc fait la cour ? Je ne peux pas y croire. » Elle est belle. Même magnifique, il est indéniable que d'autre n'ont pu qu'être témoin de cette beauté. « L'un d'eux s'est-il montré grossier avec vous ? » Maintenant qu'il y pense, cela pourrait expliqué son désarroi. Et cela pourrait être bien plus logique. « Vous n'avez qu'un mot à dire, et je vous enlève sur mon bel étalon » Il lui offre un clin d'œil. Bon sang, c'était complétement hors de propos, mais il avait comme l'impression qu'elle était encore très tendu, et qu'elle avait besoin qu'on la déride un peu, qu'on rende cette soirée plus agréable, plus drôle. « Où alors, puis-je vous offrir une danse ? Montrons à tous ces messieurs ce qu'ils loupent ? » Aucun doute que sa mère allait le détruire. Mais c'était pour la bonne cause non ?