Cette situation t'échappe, tu ne contrôles plus rien. Quoi que... Ce n'est pas exact parce que tu le contrôles lui. Tu l'observes, depuis les cameras installées dans une pièce à côté de ton bureau, cachée derrière une bibliothèque. Tu l'as déposé dans sa chambre. Cette chambre que tu as mis des jours à remettre au norme pour qu'il ne possède aucune chance de t'échapper. Les fenêtres ont été barricadées, tu as retiré chaque objet qui pourrait être dangereux. Au fond, il ne lui reste plus qu'un lit, où tu n'as même pas mis de draps, juste au cas où. C'est une chambre, mais à bien regarder, ça ressemble bien plus à une cellule. Y'a juste un peu peu plus de décoration sur les murs.

Tu te mords la lèvre, alors qu'il n'a pas encore émergé du sommeil dans lequel tu l'as plongé de force la veille pour le ramener jusqu'ici. Ca n'a pas été bien compliqué, de nos jours, on arrive à glisser n'importe quoi dans le verre de n'importe qui. Il t'a suffit de te glisser sous son bras pour le soutenir au bon moment, histoire qu'on ne s'interroge pas trop, et le tour était joué.

Quand à la question du pourquoi ? Certains diront que tu es dans l'exagération. Toi, tu t'en fous. Tu le voulais, tu l'as eu. C'est à la fois une obsession, un désir, et une vengeance. Tu ne serais même plus dire depuis quand tu lui tournes autour. Depuis des années, au moins, parce que dans ta tête tu as le souvenir de t'être fait jeté dans la cour de récréation du collège alors que tu avais essayé de t'approcher. Tu parles, depuis le temps, lui, ne doit même plus se rappeler de qui tu es. Ce qui t'a rendu folle, ce qui t'a fait disjoncté, c'est cette bimbo blonde avec laquelle il s'est mis en couple y'a quelques semaines. Et pas n'importe qui. Mais bien ta meilleure amie. Enfin, du moins, celle que tu croyais être ta meilleure amie à l'époque, jusqu'à ce qu'elle te plante un couteau dans le dos et qu'elle n'hésite pas à te lincher lors de votre rentrée au lycée. Depuis, vous n'aviez plus eu aucun contact. Mais la voir, là, près de lui. Poser ses lèvres sur celle de l'homme dont tu rêvais soir après soir, mais que tu n'avais jamais pu avoir... Clairement, tu n'avais pu réfléchi correctement. Tu ne tournais déjà pas très rond avant, entre la défonce, les parties de jambes en l'air sans émotion, et autres occupations dans le style, mais là, t'as carrément vrillé.

Etendu sur le matelas blanc, il a presque l'air d'un ange. Mais il ne faut pas s'y trompé. S'il possède le mauvais rôle dans cette histoire parce que c'est lui qui se retrouve enfermé, il est bien loin d'être tout blanc. C'est un connard. Un parfait et sombre connard, qui n'a jamais daigné s'intéresser à toi. Et tu ne dois avoir aucun remord à avoir agit de cette manière, c'est tout ce qu'il méritait. Au moins, après ça, il comprendra qui tu es. Il se souviendra de toi. Il n'aura pas d'autres choix. A condition qu'il existe un après, ce que tu n'es pas encore sûre d'envisager. Peut-être que ça se terminera par vous deux, dans cette chambre. Sans d'autre issu.

Quand enfin, après plusieurs heures d'observation il commence à s'agiter, signe qu'il ne tardera pas à sortir du sommeil, tu quittes ton point de vu, et tu te diriges jusqu'à sa chambre. Précautionneusement tu déverrouilles la porte, que tu refermes à double tour une fois que tu es à l'intérieur de la pièce, et tu glisses la clé dans ta poche. « Le prince charmant ouvre enfin les yeux. Il serait temps, j'ai failli attendre. » Tu lui jettes une bouteille d'eau qui se prend en pleine tête, son manque de réflexe sans doute dû à ce que tu lui as fait ingérer la veille. « Est-ce que tu as faim ? » Tu lui laisses à peine deux secondes pour répondre, et paumé comme il est, il n'a même pas le temps de réagir. « Parfait, je n'avais de toute façon pas l'intention de t'amener quoi que ce soit. » Tu ris. Parce que cette situation, où c'est toi qui a la main, où tu peux faire ce que tu veux de lui, ça te grise. « Au cas où tu te poserais la question, tu es mon prisonnier. Tu ne peux pas sortir d'ici. Je te dirais bien de ne pas perdre ton temps à essayer, mais on sait tous les deux que tu n'en feras qu'à ta tête, donc je te laisse t'acharner quelques heures, et je reviens quand tu te seras calmer. » Un sourire hypocrite, et tu le quittes sur ses paroles. T'as envie de jouer avec ses nerfs. Tu verrouilles à nouveau derrière toi, et tu retournes dans ta gage d'acier l'observer depuis les caméras.

Tu avais été invité à une soirée avec Charlotte, ta nouvelle copine. Cela faisait quelques semaines que tu sortais avec elle. Cela se passait plutôt bien. T’avais beau faire partie du groupe des populaires, tu ne prenais jamais les nanas pour de la merde. Non, tu respectais leurs choix. Tu n’es pas un connard, même si clairement, tu es apprécié. Aussi, avec Charlotte, ça s’annonce être du sérieux. Vous avez appris à être amis avant de vous mettre en couple. Tu as appris à la connaître, à l’apprécier. Et finalement, t’en es tombé amoureux. Et elle aussi. Ta main dans la sienne, tu l’avais conduit jusqu’à l’intérieur de la maison où se déroulait la fête. Tu l’avais embrassé, avant d’aller vous chercher deux verres. Mais en chemin, tu t’étais fait arrêter par des amis à toi. Vous avez parlé du dernier match de foot et finalement, t’avais posé ton verre, avant de demander à une de tes amies d’emmener celui de Charlotte. Ta petite amie t’avait levé son verre pour te remercier. Puis au bout d’un moment, t’avais fini par tremper tes lèvres dans ton verre avant de le vider d’une traite. Et tu t’étais senti partir. T’avais marché jusqu’à l’endroit où se trouvait Charlotte mais finalement, t’avais failli t’effondrer. On t’avait rattrapé, t’avais tenté de murmurer le prénom de ta petite amie, mais ta langue était pâteuse, engourdie. Et t’avais sombré.

Ouvrant les yeux péniblement, la douleur te vrille le crâne. Les souvenirs de la soirée sont encore flous, mais tu ne comprends pas ce qui t’arrive. Te redressant, tu manques de gerber tellement ton estomac est en vrac. Qu’est-ce qu’on t’a foutu dans ton verre ? Qui ? Pourquoi ? Tellement de questions sans réponse ! Tournant la tête, tu remarques qu’il n’y a qu’un matelas dans la pièce. Rien d’autre. Et le pire, c’est que tu essayes d’ouvrir la porte ou la fenêtre, mais tu es enfermé. Est-ce une mauvaise blague ? Putain mais c’est quoi cette connerie ! Au même instant, la clef tourne dans la serrure. Tu te redresses et regardes la nouvelle venue. C’est qui ? Qu’est-ce qu’elle raconte ? Tes pensées sont encore embuées si bien que tu te prends la bouteille d’eau qu’elle te lance en pleine poire. Tu grimaces, car cela n’aide pas ton mal de crâne. Faim ? L’idée même te donne envie de gerber. Elle reprend et tu t’énerves. Ton sang boue dans tes veines. Mais avant que tu n’es pu réagir, elle ressort. Tu te diriges rapidement contre la porte, tirant sur la poignée de toutes tes forces. Mais rien. Tu mets des grands coups de pied dedans, mais elle ne bouge pas d’un millimètre. Bordel ! Et tu t’effondres, ton corps étant encore faible. Rampant jusqu’à la fenêtre, tu essayes de l’ouvrir. Mais rien. Tu hurles à t’en déchirer les cordes vocales. Et ton regard repère une caméra. Alors t’attrapes ta basket et tu la lances dessus pour la détruire. Au moins, cette folle ne pourra plus te voir ! Et finalement, tu te laisses tomber sur le matelas. Tu attends, tu fermes les yeux. Le temps est long, mais tu ne peux rien faire d’autre. Et quand finalement la clef tourne une nouvelle fois dans la serrure, tu ne bouges pas. Tu attends, les yeux rivés au plafond. « T’es qui ? Qu’est-ce que tu me veux ? » Tu veux savoir, avant de tenter de t’échapper une nouvelle fois. Mais finalement, tu te redresses d’un coup et tu cours vers la porte, prêt à tenter de sortir dès à présent alors qu’il te semble qu’elle n’a pas refermé.