La soi du long caftan noir glisse sur mes épaules, dernière parure de ma tenue. Le procédés est long, mais je ne peux pas me permettre de paraître débraillé. Chaque détail est pensé avec minutie pour charmer, rien n'est laissé au hasard. Chacun des éléments sont là pour montrer ma puissance, mon pouvoir. Une fois fin prêt, je me glisse par la lourde porte qui mène de ma chambre à mon bureau. C'est encore une longue journée qui m'attend. J'ai encore bien des choses à régler, à commencer par toute cette histoire de Sankta Alina. Je reconnais que cette femme a quelque chose de particulier. Outre son pouvoir, elle dégage une prestance qui donne envie de lui faire confiance. La population lui a accordé ses espoirs et ses craintes, il faut que je me méfie, c'est un danger pour mes projets à venir. Mais je ne me laisserais pas faire. Voilà des années que j'ai eu l'occasion de fomenter mes plans, de les mettre au point, de prévoir jusqu'au moindre petit imprévu.  Rien ne changera ça. « Allez me chercher Mlle Starkov » Le garde s'incline puis va s'acquitter de sa tâche. Alina sera là dans quelques minutes, les gardes savent qui vaut mieux ne pas me faire attendre. Et comme elle ignore encore où elle met les pieds, Alina fera en sorte de me contenter, au moins le temps qu'elle apprenne à me connaître.

Je m'installe dans le fauteuil qui trône derrière le bureau de bois. Les coudes posés sur la plateforme, le menton en équilibre sur les mains, je fixe le vide, en pleine réflexion. Je ne m'attendais pas à tomber sur la sainte de lumière si tôt. Je pensais mettre d'avantage mes plans à exécution avant qu'elle n'entre en ligne de compte. Mais au final, ce n'est qu'un contre temps, il suffit de la rallier à ma cause, et si je manipule les choses comme je l'espère, cela devrait se faire sans encombre. La porte s'ébranle alors qu'on tape contre le lourd battant de bois. « Entrez » La jeune femme fait son entrée, seule. Bien, je préfère la voir seule à seul et mes gardes en ont bien conscience, une perte de temps en moins.   « Alina », la saluai-je. « Comment vous sentez-vous ce matin ? » Je me redresse, contourne le bureau, m'approchant ainsi d'elle, créant une proximité qu'elle appréciera, je l'espère. Je prends appuie sur le coin du meuble, et l'observe de mon poste. Elle semble un peu perdu, rien de plus normal lorsque l'on découvre que l'on est doté d'incroyable pouvoir du jour au lendemain. Sans compter que je n'ai pas été des plus doux avec elle, mais semblerait-il qu'il s'agisse du seul moyen pour la faire réagir. « J'ai appris que vous avez débuté les entraînements. C'est une bonne chose. Qu'est-ce que ça donne ? Arrivez vous à contrôler votre don ? » Mes mots sont choisis avec soin, c'est comme ça que le peuple la voie, comme une sainte avec un don incroyable, alors je préfère user de ce mot plutôt que de pouvoir. « Je ne souhaite pas vous presser, Alina, mais vous savez que le temps nous est compté. C'est très important. Vous êtes importante. »Je manipule les mots avec une perfection efficace. Depuis le temps que je traîne sur terre, c'est une pratique que j'ai eu l'occasion de perfectionner. « Toutes ces personnes dehors, elles croient en vous » J'en rajoute une couche. Peut-être qu'un peu plus de pression sur ses épaules la fera réagir. Le but est de la faire s'effondrer. Plus elle craquera, et plus elle aura besoin d'une épaule sur laquelle se rattraper. Je compte bien être cette épaule, afin de me rapprocher d'elle et ainsi lui montrer ma manière de voir les choses.   « Peut-être pourrions nous faire une petite séance tous les deux ? Qu'en dites-vous ? Cela vous conviendrez ? » Je me doute qu'elle refusera pas, mais c'est toujours mieux de lui laisser croire qu'elle a le choix, que c'est elle qui maîtrise la situation. Elle qui prends ses décisions. Je lui tends ma main, comme pour l'encourager.

Le regard dans le vide, je m'efforce de faire le vide. Le plan est tracé depuis des années. Des décennies que j'espère mettre la main sur la faiseuse de lumière. Hors de question que je laisse passer ma chance ou que je foire. Je me dois de ne rien laisser au hasard, de placer mes pions un par un pour l'entraîner dans mes filets, pour ne pas lui laisser la moindre chance de s'en sortir, de prendre un autre chemin. Je n'ai pas le droit à la moindre erreur, ça pourrait anéantir des années de travail. Pour l'instant, elle semble me manger dans la main, ne pas se méfier, et c'est donc le moment d'agir, de l'amener encore un peu plus sous mon influence. Assis à mon bureau, mes doigts tapotant en rythme contre le bois, j'attends que l'on revienne accompagner de la jeune femme. Je mets ce temps à contribution à réfléchir à la meilleure option, à la meilleure solution pour l'amener à suivre sans hésitation mes idées, mes conseils. Elle n'a pas eu l'air de s'opposer à ma position pour l'instant, mais il ne faudrait pas que les choses changent. De mon autre main, j'agite mes doigts, et les ombres se répandent à leur extrémité. Depuis le temps, je contrôle ce pouvoir à la perfection, et il faudrait que je parvienne à entraîner Alina a un pareil résultat. Et en même temps, il ne faut pas que l'élève dépasse le maître, sans quoi cela pourrait être dangereux pour moi. Il faut que je contrôle les prochains jours avec soin.

Des pas précipités se font entendre de l'autre côté de la porte, puis une hésitation avant que l'on ose toquer contre le bois. « Très instructive. La nuit porte conseil, à ce qu'il paraît. » Je lui offre un sourire visant à la mettre en confiance. Je souhaite plus que tout qu'elle se sente à l'aise à mes côtés, qu'elle se sente libre de me dire ce qu'elle a sur le cœur, cela ne pourra être qu'à mon avantage pour la suite. Je dois surtout gagner sa confiance avant qu'un autre le fasse, avant qu'elle préfère se fier à quelqu'un d'autre plutôt qu'à moi. « Je n'ai pas eu l'occasion d'échanger avec votre professeur, qu'est-ce qui ne va pas ? » Je l'avais confié au meilleur, dans l'intention de la voir évoluer au plus vite. « J'aurais aimé que l'on dispose de plus de temps. Que vous puissiez vous adapter à votre rythme, que vous puissiez prendre vos aises. Malheureusement le temps joue contre nous.. » Plus vite je mettrais mes plans à exécution, moins on viendrait se mettre en travers de mon chemin. Même si la guerre ne me faisait pas peur, j'étais à même de remporter n'importe laquelle, c'était toujours plus simple de pouvoir aller droit au but.

Un rire m'échappe. La patience, c'était pas mon fort. Pourtant, j'aurais dû l'acquérir après tant d'année passé à errer sur cette terre. « Je ne suis pas réputé pour ma patience, Alina, les bruits de couloirs auraient déjà dû vous préparer à ça.. » Je laisse le silence s'imposer entre nous, juste pour faire son petit effet. « En revanche il paraît que je suis un très bon professeur, très doué pour motiver ses élèves... » Je n'en dis pas plus, lui laisse réfléchir à cette phrase comme elle l'entend. Mais lorsque j'aperçois que ses pommettes rougissent, je sais qu'elle n'a pas manqué de saisir le véritable sens caché. « A vrai dire, j'aurais espéré rester ici. Les distractions sont nombreuses dehors, et les regards aussi. Je pense que cela serait à votre avantage de ne pas avoir à réfléchir à cela. Ici au moins, nous sommes tranquille, personne ne viendra nous déranger. » Je contourne le bureau pour m'approcher de l'endroit où elle est plantée, au milieu de la pièce, et m'installe les fesses sur le coin du bureau. Je l'observe des pieds à la tête. Je laisse mon regard courir sur elle, la dévorer. « Vous devez vous servir de vos émotions, positives comme négatives, ce sont elles qui vous aideront à faire sortir votre lumière. Essayez, pensez à quelque chose qui vous rend heureuse, un bon souvenir. » Je reste à ma place, ne la quittant pas des yeux. Je l'observe avec patience, clore les paupières et essayer de se concentrer.

Les temps est limité. Je n'ai pas de temps à perdre, et pourtant, je ne peux pas prendre le risque de brusquer la jeune femme plus que nécessaire. J'imagine déjà la pression qui doit ronger son coeur, ce n'est pas avec mes aires sévères et supérieurs que j'arriverais à quelque chose avec elle, j'en ai bien conscience. Et à vrai dire, ce n'est pas plus mal. Je vais pouvoir jouer sur un autre terrain et profiter de la naïveté de la brune. « Je vois. Nous sommes tous passé par là, vous savez ? Certes nous étions plus jeune, mais nous avons tous dû apprendre à contrôler notre pouvoir, le dompter, vivre avec » Par des paroles, j'essaie de la rassurer, de lui montrer que nous ne sommes pas différents. J'ai comme l'impression qu'elle ressent le besoin de se sentir normal. « Ne vous concentrez pas sur ce que vous n'arrivez pas à faire. Essayez de vous concentrer sur tout ce que vous pourriez faire » C'est une tactique qui a plutôt bien fonctionné sur moi. Je ne devrais pas me confier indirectement, mais je ne peux pas vraiment perdre de temps.

Je contourne le bureau, m'approche d'elle pour essayer de saisir au mieux sa manière de faire. Sa bouche qui se crispe, son front qui se plisse alors qu'elle se concentre d'avantage, sa frustration de ne pas réussir. « Vous ne vous laissez pas assez aller, Alina. » Et le pouvoir n'aime pas être contrôler, il aime être libre. Alors si elle s'efforce de le contenir, de trop réfléchir, elle ne réussira jamais rien. « Arrêtez de réfléchir. Faites le vide. » Je me rapproche d'elle, quittant mon point de vu. Je me plante juste devant elle, l'obligeant ainsi à lever la tête vers moi pour me regarder. Elle n'est pas plus petite qu'une autre, mais ma grande taille me fait la dominer d'une bonne tête. « Nous avons tout chambouler dans votre vie, et je m'en excuse. Mais vous devez faire du tri, ici » Je passe l'index le long de son front, pour lui indiquer ses pensées trop pleines, trop éparpiller. « Focalisez vous sur une chose. Juste une » Je lève mon index devant ses yeux, pour lui rappeler cela. Mon regard s'égare vers ses lèvres alors que l'idée se fait de plus en plus tentante. « Est-ce que vous me permettez de tester quelque chose ? » Ce n'est qu'une manière de lui laisser croire que son avis a de l'importance puisqu'en vérité, je me passerai bien de son accord. Je glisse une main sur sa joue, faisant preuve d'une douceur qui ne me caractérise pas, en général. Mais la prendre là, sur mon bureau, sans le moindre préliminaire ne nous aiderait pas. Alina n'est pas Zoya, je ne peux pas me comporter de la même manière avec les deux femmes. « Et souvenez vous, faîtes le vide. Ne pensez à rien. Juste à tout ce que vous pourriez faire. » Sur ces derniers mots, mes lèvres s'écrasent contre les siennes. Ma langue force la barrière de ses lèvres alors que la surprise l'empêche de réagir dans l'immédiat. Je me fais envahissant, intrusif, exigeant. Une main sur sa taille, je serre son corps un peu plus près du mien, et dévore un peu plus sa bouche.