A peine né, ton histoire promet déjà d'être catastrophique. Tu n'es qu'un gosse, qu'un nourrisson, que ton père te refuse ses bras. Tu ne sais pas grand chose de ce jour là, tu ne peux pas t'en souvenir, mais ta grand mère t'as raconté quand tu as été en âge... tu ne lui as pas laissé beaucoup de choix, tu avais besoin de savoir, tu voulais savoir.. Ton père t'as abandonné dans les bras de cette infirmière un peu désemparé parce que lui, la seule chose qu'il voyait, c'était le sang qui recouvrait sa femme, le sang qui lui rappelait qu'elle ne serait plus jamais là... ce même sang qu'il t'accusait de manière inconsciente d'être responsable. Oui, parce qu'après tout, si tu n'avais pas été là, sa femme serait toujours vivante, et en pleine forme. C'est fou, parce qu'on ne prévoit jamais l'avenir, ta mère aurait aussi bien pu perdre la vie le lendemain sous les roues d'un bus... Mais c'est toi que ton père accusé, parce que c'était en te donnait la vie qu'elle était morte, pas sous les roues d'un bus. Tu avais beau être le garçon qu'il avait désiré quelques jours plus tôt, aujourd'hui à ses yeux, alors que tu n'avais que quelques heures, tu n'étais qu'un meurtrier.

Ton histoire ne s'arrange pas dans les semaines qui suivent.. Du moins, y'a un espoir qui né lorsque ton père fini par te récupérer chez ta grand mère plusieurs jours après l'accouchement pour s'occuper de toi. Ta grand mère n'est pas très rassuré, mais elle n'a pas de véritable droit sur toi, alors elle te laisse partir avec lui, non sans appeler tous les jours pour être sûr que cela se passe bien. Et les premiers jours, c'est le cas, tu n'as pas à te plaindre. Et puis, un beau jour, alors que ton père t'a récupéré depuis deux semaines, il décide de mettre fin à ses jours. Dans sa cruauté, il ne pense même pas à te protéger de ça. Alors qu'il aurait pu te confier à ta grand mère avant de passer à l'acte, il décide de te garder avec lui. A priori, tu aurais passé plus de vingt quatre heures à pleurer sans discontinuer avant que les voisins alertés ne préviennent la police et que l'on te découvre, le corps de ton père allongé, inerte près de ton lit. Joie, quand tu nous tiens...

Tu as finis chez ta grand mère, à nouveau et c'est elle qui a récupéré ta garde de manière définitive. Tu n'as jamais manqué de rien, même si joindre les deux bouts n'a jamais été simple. En plus, tu n'as pas été un enfant facile, encore moins un adolescent agréable. Tu étais toujours en train de te battre, toujours dans les embrouilles. Tu ne peux même pas reprocher ça à ton éducation, ta grand mère a très bien géré ça... T'étais juste en colère contre le monde entier, en colère contre ton père, en colère contre tout le monde. Et tu le faisais payer à tout et n'importe qui. Tu t'es d'ailleurs retrouvé plusieurs fois au poste de police pour des bagarres débiles.

A l'âge de 15 ans, tu savais déjà ce que tu voulais faire plus tard. T'étais très doué en dessin, l'art a toujours été l'un de tes refuges, et tu voulais devenir tatoueur. C'était ton rêve, tu te voyais déjà ouvrir ta propre boutique, tenir ça d'une main de fer... Rêves qui sont partis en fumé à peine avais-tu ton premier diplôme en poche. Ta grand mère peinait de plus en plus à joindre les deux bouts, elle pouvait encore moins lui payer une école particulière. Si t'as été en colère quelques jours, tu ne pouvais pas en vouloir à cette femme qui t'avait élevé et qui malgré son âge trimait pour t'obtenir ce que tu désirais. T'as abandonné les études, et tu t'es mis à travaillé, des petits boulots, certains que tu gardais, d'autres où tu ne tenais même pas une journée. Tu ne gagnais jamais grand chose, mais ça vous permettait de joindre les deux bouts.

Et puis, t'as rencontré ta femme. Ca a longtemps été compliqué entre vous, le jeu du chat et de la souris, je te vois, je t'ignore. Vous avez longtemps flirtés, vous êtes longtemps tournés autour. Inconsciemment, vous n'étiez pas prêt l'un l'autre à ouvrir votre cœur à une tierce personne, trop blessé par la vie. Mais, lorsque vous vous êtes enfin échangé votre premier baiser, c'était si fort, si intense, que tu pensais que ça durerait toute ta vie. D'ailleurs, dans ta folie des grandeurs, tu l'as demandé en mariage à peine quatre mois plus tard. Toi, t'étais largement en âge, plus proche de la trentaine que de la vingtaine, mais elle, elle était à peine sortie des études, un peu plus jeune que toi. Mais à ton grand soulagement, elle s'est embarqué dans cette folle aventure avec toi. Vous vous êtes dis oui en petit comité, sa famille, la tienne, et c'était bon. Elle portait ton nom, une bague à son doigt, et vous étiez les plus heureux.

Heureux jusqu'à ce qu'elle t'annonce quelques mois plus tard qu'elle était enceinte. Ca t'a fait un choc sur le coup... Vous n'en aviez jamais parlé, ce n'était pas dans les projets immédiats. Mais c'était le fruit de votre amour, alors ce bout de chou qui poussait déjà à l'intérieur du ventre de sa maman, tu l'aimais déjà. Ca n'a pas été aussi facile a accepté pour la maman, elle n'était pas prête, elle était encore jeune, n'avait pas fini toutes ses études. Elle n'avait pas envisagé cette partie de la vie de famille si tôt. Mais quand vous en avez discuté, elle a décidé de le garder, que vous affronteriez ça ensemble.

T'étais loin de te douter que dans sa tête, ce ensemble signifiait toi seul. Après avoir mis Amaya au monde, à peine étiez vous rentrer à la maison qu'au réveil, le lendemain, tu ne trouvais qu'un petit mot sur l'oreiller. Un mot qui ne disait pas grand chose si ce n'est qu'elle était partie, qu'elle n'était pas prête, qu'elle ne voulait pas de cette vie là. Tu as été une épave pendant les premières semaines, ne te levant que pour t'occuper de ta petite princesse. Elle était devenu le centre de ton univers, le centre de ton monde, tu n'existais plus que pour elle.

Ca a été comme ça un mois, peut-être deux, tu ne sortais pas si ce n'est pour faire les courses, passais tes journées sur le canapé, jusqu'à ce que ta grand mère vienne te flanquer un bon coup de pied au cul pour te faire réagir. C'est là que le déclic c'est opéré chez toi. Tu ne pouvais pas te laisser aller, tu devais faire quelque chose de ta vie. Alors tu as décidé de te lancer dans ce pari fou de reprendre l'un de tes plus grands rêve : ouvrir ton salon de tatouage. Ca n'a pas été simple, c'est pas comme si tu avais de très grosses économies, tu avais maintenant un bébé à charge... Ca a pris du temps, ça ne s'est pas fait en un claquement de doigts, mais tu as fini par y parvenir.

Ta grand mère est partie deux ans plus tard, laissant un immense vide dans ta vie. Tu as rebaptisé ton salon à son nom : le Rose Tattoo. Ta fille a aussi perdue la seule figure maternelle qu'elle n'est jamais connu, et chez elle aussi ça a eu des conséquences... Aujourd'hui elle est une petite fille très particulière, qui n'arrive pas à s'exprimer. Elle ne parle pas aux inconnus, et même les personnes qu'elle fréquente de manière récurrente, il est rare qu'elle leur adresse la parole. Elle se mue dans un silence religieux, qu'elle ne brise quasiment qu'en ta compagnie.

Ca n'a d'ailleurs pas été évident lorsqu'il a fallu lui trouver une nounou. C'est pour ça qu'aucune n'est jamais resté très longtemps, n'arrivant pas à s'adapter à cette petite fille particulière. Jusqu'à Inayah. Cette femme est une perle. Et d'une manière assez étrange, Amaya c'est tout de suite senti à l'aise avec elle, cela est sans doute un signe. Un signe que tu refuses pour l'instant de voir.